Village de  Bourgvilain

71520 Saône et Loire

 

           

 

 

 

 

2/ LES SEIGNEURS

O

n trouve Corcelles (Corcellas), déjà cité en 984 au Cartulaire de Cluny, mais les de Verrey ou Véré (de Veyriaco), famille ancienne du Mâconnais, ainsi nommés à cause du fief de ce nom à Sennecé, près Mâcon, sont les plus anciens seigneurs connus de Corcelles.

J

ean de Veyriaco, donzel, est témoin, en 1375, au château de Vinzelles. Guillaume de Verrey, seigneur de Germolles, signait aussi, comme témoin, la trêve de Pont-de-Veyle, en 1421.

Ils ont deux fils, Pierre, qui suit, et Raymond.

P

ierre de Verrey est seigneur de Corcelles (Bourgvilain) en 1460, et vend des servis à Henri de Molles, seigneur de Vougy.

 

Une fille de la maison de Verrey, de Vaux-sur-Aisne, fut mariée à Charles de Busseul Saint-Sernin, vers 1490.

 

P

hilibert, seigneur de Verrey, dit la Mouche, est cité en 1501 parmi les témoins du mariage de Philibert de Savoie avec Marguerite. d'Autriche, à Bruxelles (1). Son testament est du 24 avril 1512, Philibert se qualifie chevalier de l'ordre de la Toison d'or et premier maître d'hôtel de l'archiduc d'Autriche, prince d'Espagne, fait plusieurs fondations en l'église de Bourgvilain, à cause de sa seigneurie de Corcelles; laisse ses terres de Verrey, Germolles, Corcelles, Villette-en-Dombes, Saint-Jullien et Corray à son fils aîné, Philippe, celles de Mont-Saint-Vincent et Marizy à son fils puîné, Pierre, et lègue, entre autres choses, 240 livres de rente à Claude Thiard, son neveu.

J

ean de Verrey, dit la Mouche, héritier sans doute de Philibert et seigneur de Vaux-sur-Aisne, ayant organisé un complot contre Charles-Quint, fut aban­donné par ses partisans et périt dans le Charolais. Comme il était sans posté­rité, la maison de Busseul Saint-Sernin recueillit le riche héritage de celle de Verrey.

L

a manière dont Philibert de Busseul, chevalier, seigneur de Saint-Sernin, mari, en 1520, de Madeleine de Sercy et oncle de Jean de Verrey, lui succéda, serait trop longue à raconter, dit Saint-Julien-de-Balleure “ assez sera de dire que Germolles, Corcelles, La Bastie, la Tour MailIy, celle de Sennecé, près de Mâcon, etc., sont de l'hoirie dudit seigneur de Vaux ”

De Madeleine de Sercy et de Marguerite de Saint.Symphorien il eut entre autres enfants   1° Charles, qui suit; 2° Françoise, femme de Georges de Crémeaux, seigneur de Ménardières.

C

harles de Busseul Saint-Sernin, son fils et principal héritier, fut aussi seigneur de Germolles, Corcelles, la Bâtie, Gratay, Escole, La Tour-Mailly, La Tour-de-Sennecé ( 2). En 1559, il épousa, Antoinette de Gorewod, fille du comte de Pont-de-Vaux, gouverneur de Bresse, et de Claudine de Semur. Il fut lui-même bailli de Mâcon de 1579 à 1587, chevalier de l'ordre du Roi.

E

n 1580, une sentence du bailliage de Mâcon maintenait Charles de Busseul et Toussaint Guillemaud, prêtre, curé de Vinzelles et Loché, “ en la possession jouissance et saisine, droict et faculté de lever et percepvoir le dixme du village de Loché, comme aussi le droict de suytte de la dismerie de Vinzelles, des terres que les habitans dudict Loché vont cultiver audict Vinzelles (3 )

En 1584, il figure, comme partie, dans une cause civile plaidée au bailliage de Mâcon(4 ).

Il eut un fils, Laurent, qui suit, et une fille, Marguerite, qui épousa Eléonore de Bissy, l'illustre défenseur de Verdun, et qui en prenant part à la défense de la ville, avec son mari, périt par l'explosion d'un baril de poudre (5).

L

aurent de Busseul Saint-Sernin, baron de Corcelles, seigneur de Saint-­Sernin, la Bâtie, Fougères, Orval, fut marié, le 11 juin 1586, avec Diane d'Amanzé, fille d'Antoine d'Amanzé et de Françoise de Semur (6). Entre 1601et 1608 il accorde l'affranchissement du droit de mainmorte à divers parti­culiers, moyennant des sommes qui varient entre 90 et 120 livres (7). En 1616, il plaide au nom de Marc-Antoine, son fils, héritier de Charles de Busseul, comte et grand custode de l'église de Lyon. En 1617, sa terre de Saint-Sernin est saisie et adjugée, pour le prix de 33.100 livres, à messire François de Savary, chevalier, seigneur de Brèves (8).

De sa femme, Diane d'Amanzé, dont il fut séparé judiciairement, en 1617, il eut Marc-Antoine, qui suit, François, qui reçut, en 1617, un canonicat à Saint-Pierre, à lui résigné par ledit Marc-Antoine, son frère, et Anne alliée, le 24 septembre 1618, à Alexandre de Garnier, seigneur des Garets, Ars et Colombier (9).

 

1       Guichenon, Histoire de la Bresse.

2       Armes des de Busseul, voir ci-dessus p. a6

3        Archives de Saône-et-Loire. B. 865.        

4       Ibid. B. 88i.

5          Courtepée, Description historique et topographique du duché de Bourgogne.

6          Archives de Saône-et-Loire. B. 133 1       7   Ibid. B. 1340

8         Ibid. B. 1617 et 1006.

9       Guichenon, Histoire de Dombes, t. Il, p. 223.

M

arc-Antoine de Busseul, chevalier, baron de Corcelles, seigneur de Fuissé, la Bâtie, etc., ayant, en 1611, hérité de son oncle, Charles de Busseul, grand custode de l'église de Lyon, des terres de Moulin - l'Arconce, Puthières, Varennes-Reuillon, Busseul, dès 1617 on le pourvut d'un curateur, Jacques d'Amanzé, chanoine de Saint-Pierre de Mâcon, pour l'autoriser à emprunter 33.100 livres, somme destinée au rachat, par droit lignager, de la terre de Saint-Sernin vendue par décret  (2). Il vit à son tour la terre de Fougères, saisie et vendue, en 1624, à la requête d'Alexandre de Garnier, seigneur des Garets, puis en 1629 le quart de celle de Busseul, cédée au vicomte d'Amanzé pour le prix de 1601 livres, et la baronnie de Corcelles aliénée le 3[ janvier 1641 (3)

I

l avait épousé Gabrielle des Serpents, dont il eut onze enfants :  Henri-François ; Laurent, religieux à Savigny;  - Louis ; - Joseph ; - Louis­-François de Busseul, chevalier de Saint-Sernin, décolé figurativement à Mâcon, en 1664 ; -Jean-François ; - une fille N. ; - deux filles visitandines à Bourbon-Lancy ; - Claudine-Suzanne, visitandine, à Paray, et Antoinette mariée à F. de Foudras d'Ouilly.

Claude Naturel, seigneur de Valetine, acquéreur de Corcelles, en fit cession, en 1642, au mari de sa fille, qui suit.

L

aurent de l'Aube était issu d'une famille origi­naire du Dauphiné, dont Daniel de l'Aube et Joseph de Thy, qui vivaient en 1390, sont les plus anciens auteurs connus. Leur descendant au sixième degré, il vint s'établir en Mâconnais par son mariage avec Claudine Naturel, le 29 novembre 1639. En 1641, écuyer, seigneur de Corcelles, de Bourgvilain et en

partie de Pierreclos,  premier capitaine au régiment de M. de Rébé, il est arbitre dans un différend entre  Barbe de l'Étoufe, femme d'Antoine de Servent, seigneur de Chavannes, et Jean de Franc, seigneur d'Esserteaux ( 4). Le 24 février 1645, il traite avec le Chapitre de Mâcon, décimateur de Bourgvilain, au sujet des dîmes des bois du Rousset et de la Fayolle qu'il est en voie de faire défricher (5).

E

n l'année 1663 on voit Laurent de l'Aube, seigneur, baron de Corcelles et Bourgvilain, Me Claude Delatour, procureur d'office des dites terres, et les autres habitants dudit lieu faire vœu de célébrer la fête de la Visitation Notre-Dame pour l'établissement du saint Rosaire en l'église de Bourgvilain, “ qu'ils  implorent par l'assistance de la Vierge Marie de les vouloir par cy-après garantir de tout accident comme de foudre, grêle, gelée, tempêtes et autres  inconvénients ”. Vœu fait en présence de Messire Guy Daoud, curé dudit lieu. Il fait aussi, en 1668, une fondation de 40 sols en la chapelle de son château de Corcelles (6).

Il avait donné, le 21 novembre 1646, le dénombrement de sa seigneurie, mentionnant qu’elle était en toute justice et consistait en une maison seigneuriale avec quatre hameaux en dépendant, Bourgvilain, les Meuriers, Montval et Montangerand, plus une rente située à Pierreclos (7). En 1669, il en donne le terrier à renouveler à Jacques Garin, de Mâcon.

P

uis, le 29 novembre 1677, il reprend de fief et donne le dénombrement de la seigneurie de Chavannes, lui appartenant comme donataire par mariage de feu Antoine de Sermant, écuyer, seigneur dudit Chavannes, son frère utérin, et de dame Barbe de l'Estouf, sa femme, par contrat du 21 novembre 1639. Il avait été maintenu par l'intendant Bouchu, en 1666, et admis à la Chambre de la noblesse de Bourgogne en 1681.

De dame Claudine de Naturel on lui connaît un fils, Philibert-Hubert, qui suit, et une fille, Marie, baptisée vers 1654 Philibert-Hubert de l'Aube eut Corcelles par son contrat de

 

1          Archives de Saône-et-Loire. B. 1273 et 1006

2          L. Lex, Les Fiefs du Mâconnais, p.108.

4       Archives de Saône-et-Loire. B. 1415.

5       Ibid. Fonds des notaires, Inventaire Rameau, n 8356.

6       Ibid. GG. 44.

7       L. Lex, Les Fiefs du Mâconnais, p. 109.

 

 

mariage, du 13 juin 1682, avec Marie, fille de feu André Fleutelot, seigneur de Beneuvre (1), conseiller au Parlement de Bourgogne, et d'Anne de Régnier de Sidvei. Créan­cier des biens de Louis de Busseul il était colloqué pour une somme de 2.098 livres qu'il retirait des mains du receveur des consignations, le 20 mars 1683 (2).

L

e 22 juin et 8 août 1684, il reprenait de fief et donnait le dénombrement de Corcelles. Vers 1685 une sentence de la justice mage de Cluny lui faisait défense, “ de plus pescher ni faire pescher dans la rivière de Grosne, dans “ l'étendue des terres et seigneuries dépendants de l'abbaye de Cluny (3) ” . En différent au sujet du domaine de Montval, acquis de Louis de Busseul, avec messire Léonard des Garets, ils choisissaient deux arbitres, messires de Naturel, seigneur de Valetine, et Jean-Baptiste Michon de Pierreclos, procureur général des finances à Lyon, et signaient un arrangement le 9 janvier 1687 (4).

Le seigneur de Bourgvilain prétendait, suivant ses terriers, avoir des droits aux quatre corvées suivantes de la part des justiciables : la première pour faucher et charrier ses foins; la deuxième pour semer les tremois et les cercler; la troisième pour biner les terres et semer les blés ; la quatrième pour charrier les bois nécessaires pour le fauchage. Les justiciables contestaient ces droits et refusaient d'exécuter les corvées. De là les violents démêlés qui s'ensuivirent. Des plaintes réciproques furent alors adressées à la justice, nous allons les ana­lyser ou les reproduire, en partie, ainsi que les débats auxquels elles donnèrent lieu. Le dossier de ces pièces de procédures, quoique incomplet, compte 61 pages de texte.

A

 la date du 26 juin 1689, Nicolas Fouilloux, maréchal de Bourgvilain, se plaint en justice que le baron de Corcelles, usant de son autorité de seigneur, par force et par violence, exige de ses justiciables plusieurs corvées pour les­quelles il n'a jamais pu établir ses droits. Hier, dit-il, 25juin, le sieur de l'Aube est venu, en personne, chercher le suppliant pour lui faire charrier du foin, il a pu l'éviter en se cachant à temps. L'après-midi ce sont les laquais du sieur de l'Aube qui sont revenus le chercher et auxquels il répond qu'il a déjà fait quatre corvées à leur maître qu'il ne lui devait pas, qu'il n'en ferait pas davantage. Aujourd'hui le sieur de l'Aube est revenu avec son cocher et son laquais, tous trois armés d'un fusil. Les ayant aperçus de loin, le suppliant a pu se cacher dans un grenier chargeant un de ses fils de dire qu’il était parti pour Mâcon.

C

ette réponse, ajoute-t-il, a exaspéré le sieur de Corcelles car il a aussitôt donné plusieurs coups de bâton à celui qui la lui faisait, puis s'est mis à chercher en faisant avec ses gens le tour de la maison. Ne trouvant rien il a déchargé sa colère sur ce même fils du suppliant en lui envoyant un coup de fusil chargé de “ plombs qui luy ont garni le corps, depuis le bas ventre jusques à la poitrine, du quel coup il a été renversé par terre et il ne luy reste pas de vie pour ce jour, le sang sortant de toutes parts... ” C'est pour avoir réparation de cette action qu'il recourt à vous (5).

 

De son côté, le même jour, le baron de Corcelles adressait sa plainte à la justice du bailliage. Il y expose qu'en raison de sa baronnie il lui est dû, par ses justiciables, plusieurs corvées inscrites dans ses terriers.

            Quelques-uns cependant refusent de les faire, entre autres Nicolas Fouilloux, de Montleval, qui non seulement les refuse mais encore insulte ceux qui sont chargés de lui

1              Archives de Saône-et-Loire. B. 1370.

2              Ibid. Fonds des notaires, Inventaire Rameau,   759.

3              Archives de Saône-et-Loire. B. '793.

4               Ibid. Fonds des notaires, Inventaire Rameau, n° 10442.

5                     Archives de Saône-et-Loire. B. 1288, 25.

demander et menace de les tuer, ainsi que celui qui les envoie. “ Et ce matin estant allé, avec son équipage, à la chasse qui le conduit du côté de Montleval et ayant rencontré l'un des fils dudit Fouilloux il luy dict ou estoit son père et sur la réponse qui lui fut faicte qu'il n'y estoit pas le suppliant Iuy  a dict  tu peust l'advertir que je vais faire informer de l'enlèvement qu’il a faict des pierres et des thuilles de mon portail de Montleval et de celuy de mes pilles de justice aussi bien que de plusieurs bois qu'il m'a volé dans mes forêts... a quoi a esté répondu par ledit fils et sa belle-mère, femme dudit Fouilloux, qu'ilz se moquoient du suppliant et en mesme temps, par dérision, ils ont excité après ses chiens, qui sont des bassets, un grand mâtin, à eux appartenant qui a failli d'en tuer une partie ce que le suppliant ne pouvant souffrir a lâché un coup de fusil audit mâtin qui l'a blessé ”. Par derrière, à plus de 50 pas, se trouvait un enfant de dix ans contre lequel “ deux grains de plomb de perdrix ont rejailli, ce qui a causé audict enfant une très légère entameure ”. Là dessus est survenu Nicolas Fouilloux jurant qu'il tuerait le suppliant et ses chiens, “ ce qui sont des paroles fort insolentes pour un justiciable à son seigneur, c'est l'occasion pour laquelle il recourt à vous”. Plusieurs témoins furent entendus et n'apprirent pas grand ch ose, sinon un qui prétendit que le chien blessé par M. de Corcelles se contentait d'aboyer au portail. Un autre raconta que granger, il y a environ six ans, au domaine de Montleval, appartenant au sieur des Garets, un beau jour, un vent violent ren­versa le portail, les pierres en furent placées le long du mur et qu'aujourd'hui on en voyait plusieurs dans les murailles du bâtiment construit par Fouilloux (1)

U

ne sentence du 2 juillet suivant condamnait Fouilloux à “ ausmoner trois livres à l'église de Bourgvilain et aux despens, et enjoint à luy de porter honneur et parler avec respect du plaintif... ” De son côté le sieur de Corcelles était condamné à 15 livres de provision alimentaire envers Fouilloux.

Lorsque cette sentence fut signifiée à ce dernier il répondit qu'il s'opposait à l'exécution de l'ordonnance, attendu qu'il avait obtenu un monitoire (2) et qu’il l'avait envoyé pour le publier.

Une nouvelle sentence du 19 août de la même année déclarait que le sieur de l'Aube tiendrait lieu d'accusé, sans préjudice pour lui de son action et du monitoire publié à sa requête pour le vol des fourches patibulaires et des pierres de taille de son portail.

Dans le cours de son interrogatoire il lui fut demandé s'il n'avait pas jul saint nom de Dieu, il répondit “ que non seulement dans cette occasion il ne l'a pas fait mais que jamais de sa vie ce malheur ne lui est arrivé ”. Que le petit enfant a été légèrement blessé parce qu'il se trouvait couché, en chemise dans du foin sur une galerie extérieure, qu'il serait guéri depuis longtemps s'il ne mangeait pas que des cerises et autres fruits.

En mars 1691, le baron de Corcelles a une affaire avec un Simon Jambon, garde forestier du sieur de Pierreclos. Le garde accuse devant la justice le dit baron de l'avoir voulu enrôler de force, samedi dernier, sous prétexte qu’il a une commission de chevau-légers mais uniquement, en haine, de ce qu'il a des procès avec le seigneur de Pierreclos, son maître.

Jambon expose à la justice que le sieur de l'Aube passant vers l'habitation du suppliant, au hameau du Four, à Pierreclos, lui enjoignit de prendre cheval, des bottes et pistolets et de le suivre, sinon “ qu'il luy couperoit les bras... le feroit lier et garrotter... ”

            Le lendemain deux cavaliers du sieur de Corcelles sont encore venus tout bouleverser, chez lui, sous prétexte de le chercher.

1.    Ibid. B. 1288, 33.

2     Le monitoire était un ordre émané d’un juge ecclésiastique qui obligeait, sous peine d’excommunication, tous ceux qui avaient connaissance du fait qui était dénoncé, à révéler ce qu’ils en savaient aux curés et aux vicaires chargés de la publication. Lorsqu’un monitoire avait amené des révélations, les curés devaient les envoyer cachetés au greffe de la juridiction où le procès était pendant.

Le mobile de ces menaces est la haine qu'il porte au seigneur de Pierreclos (c'était alors Jean-Baptiste Michon), attendu que le suppliant n'a jamais mani­festé l'intention de s'enrôler, ayant 55 ans, étant marié à une femme qui en a 70, que d'ailleurs il est estropié du bras droit d'un coup de mousquet receu estan “ au service du roy, au siège de Douay... ” Il supplie donc les juges de l'autoriser à faire informer par témoins contre le seigneur de Corcelles, et à le mettre lui sous le sauf-conduit du roy (1)

C'est tout ce que nous savons de cette affaire.

Le 10 avril suivant, un sieur Claude Blanc, de Pierreclos, et sa femme font une déclaration contre La France, cavalier du sieur de Corcelles, qui les avait frappés et menacés (2). Le même jour, plusieurs habitants de Pierreclos viennent encore se plaindre des cavaliers du seigneur de Corcelles qui tuent leurs poules et les emportent (3).

Le 2 du mois d'avril 1692, Fouilloux se plaint à nouveau, en justice, que depuis qu'il a eu des démêlés avec le baron de Corcelles et qu'il a obtenu contre lui des dommages-intérêts, ce seigneur ne cesse de chercher à lui nuire. Il y a à peine deux mois qu'il “ a fait enlever Jacques Fouilloux, son fils aîné, par les cavaliers de sa compagnie, quoy qu'il ne se fut aucunement engagé et l'a fait conduire avec sa recrue à l'armée..  ” Hier il a envoyé chez le suppliant deux cavaliers et son forestier, la femme de ce suppliant s'étant trouvé de leur ouvrir reçut, sans provocation aucune, des coups de plat de sabres, et comme lui et son fils accouraient à ses cris ils ont été accueillis par les deux soldats à coups de sabres. Un de ces coups a atteint le bras du suppliant et a pénétré jusqu'à l'os. Un autre a presque emporté le doigt de la main gauche de son fils, et sans les personnes que leur cris attirèrent ils auraient été certainement assassinés. En se retirant ils ont même dit que le lendemain ils reviendraient cinquante et saccageraient tout chez le suppliant. Il demande donc justice pour de semblables violences (4)

L

e sieur de Corcelles, capitaine de cavalerie au régiment de Presles, n'envoyait que le lendemain sa déclaration sur cette affaire. Ayant eu avis, hier, y est-il dit, que trois de ses cavaliers avaient déserté la garnison de Thion­ville et s'étaient venus retirer chez Nicolas Fouilloux, il envoya deux de ses cavaliers de recrue, n'ayant que l'épée au côté, afin de savoir ce qu'il en était. Au premier mot qu'adressa un des cavaliers à Fouilloux, ce dernier, qui avait appelé à son aide sa femme et ses fils, lui lança plusieurs coups de pioche qui le renversèrent et lui firent des blessures à la tête et à la main. Le cavalier blessé a eu grand peine à se rendre à Mâcon et comme l'arrivée du roi presse et oblige de suivre la recrue qui est en marche il adresse sa plainte au bailliage en se portant partie civile et demandant la visite du chirurgien pour le blessé (5).

L

e 12 avril les témoins produits par Fouilloux déposent que deux ou trois soldats du sieur de Corcelles vinrent plusieurs fois perquisitionner chez Fouilloux, de jour et de nuit, pour chercher son fils, qu'ils regardaient jusque dans les coffres, qu'un jour ils enfoncèrent une croisée pour pénétrer dans la maison, mais que le forestier de M. de Corcelles, qui les accompagnait, s'effor­çait de les modérer. Qu'à la fin du dernier carnaval deux soldats vinrent, dans la cour de Fouilloux, tuer ses poules et dirent que dans cette maison il ne reste­rait ni maîtres, ni poules. Quant à la scène du 2 avril ils la reproduisent en montrant le forestier armé de son fusil, les deux soldats de leurs sabres nus, le premier un peu aux prises avec Fouilloux père qui était armé d'une pioche et que les soldats cherchaient un peu à atteindre de leurs sabres tandis que la femme Fouilloux, armée d'une presse de fer et son fils

 

1              Archives de Saône-et-Loire. B. 1288, 140.

2              Ibid. Fonds des notaires, Inventaire Rameau, n0 12585.

3              Archives de Saône-et-Loire. Fonds des notaires, Inventaire Rameau  n0 1144.

4              Ibid. B. 1289, 37.

5              Ibid.

 

d'une fourche, s'effor­çaient de parer les coups tout en les menaçant (1).

En 1704, on voit la mésintelligence continuer à Bourgvilain, cette fois entre le baron de Corcelles, son fils, André-Emmanuel de l'Aube, enseigne dans le régiment de Picardie, et Me Claude Guillet, notaire du lieu.

Ce dernier accuse les sieurs de l'Aube d’avoir enrôlé de force et maltraité deux de ses valets, le fils de l'Aube de l'avoir poursuivi dans sa cour le pistolet et l'épée à la main, d'avoir défendu à plusieurs personnes de l'occuper comme notaire et d'avoir tué d'un coup de fusil le chien d'un de ses neveux qui était à la chasse.

I

nterrogé en justice, le sieur de l'Aube fils répond que les valets s'étaient engagés volontairement, que s'il en a fait emprisonner un c'est qu'il faisait beaucoup de désordre dans une auberge de Bourgvilain. Quant à l'autre, nommé Litaudon, le sieur de l'Aube prétend que passant avec sa recrue près de la maison de Me Guillet, il lui fut tiré deux coups de fusil. Il comprit alors que Litaudon était là, mais lorsqu'il se présenta dans la cour du notaire, son granger avec quatre ou cinq femmes se jetèrent sur lui, ce qui l'obligea à mettre l'épée à la main. Ayant pu néanmoins emmener Litaudon, ce dernier prit un engagement devant le curé de Bourgvilain et devant une autre personne.

Pour le chien qu'il a tué, il l'a fait parce que le maître du chien qui chassait dans le bois du baron de Corcelles menaçait de tirer sur ce dernier s'il avançait (2).

En juin 1706, le procès durait toujours et un nommé Jean Renaud, de la Chapelle-du-Mont-de-France, faisait à ce sujet la déclaration suivante devant notaire.

S

ollicité par les sieur et dame de l'Aube de Corcelles et sous les promesses qu'ils lui firent de le nourrir avec sa femme et ses enfants pendant sa vie, il arriva un jour au château de Corcelles. Là il trouva le seigneur et la dame qui lui dirent qu'il fallait aller déposer à Mâcon, devant le lieutenant criminel, dans l'instance pendante entre le seigneur de Corcelles, Claude Guillet, notaire, et autres, en faveur du seigneur de Corcelles, qu'il n'avait rien à craindre pour sa conscience et qu'ils le tireraient bien d'affaire. Ils le firent souper et coucher dans une chambre du château, gardé par deux valets. Le lendemain on le fit monter à cheval et on l'amena à Mâcon, où on le fit déjeuner. On lui recom­manda ensuite d'aller faire une déposition, qu'il fit par force, comme contraint.

L

e lendemain on le ramena à Corcelles, puis on le renvoya en le remerciant et en lui disant que quand tout serait terminé on prendrait soin de lui et de toute sa famille. Trois jours après on lui livra trois mesures de blé et dix d'avoine.

M

ais pressé par sa conscience il fit dresser acte de rétractation. Ce qu'ayant appris le sieur de Corcelles l'obligea de revenir, devant le lieutenant criminel pour persister dans sa première déclaration, ce qu'il fit, mais toujours comme forcé, ce qu'il déclare (3)

L

e 14 janvier 1707, nouvelles plaintes en justice de Me Guillet contre les sieurs de l'Aube de Corcelles, père et fils,. et contre leurs domestiques et adhé­rents “ soit au sujet de l'assassinat commis à la personne de Claude Leschère,  valet du suppliant, d'un fantôme traîné et effigié soubs la représentation du suppliant, dans ladite paroisse de Bourgvilain, que pour raison de ce que les père et fils de Corcelles, domestiques et adhérents, viennent journellement  avec port d'armes environner et assiéger la maison dudit suppliant, pour luy  tuer comme ils font ses volailles, battre et maltraiter ses gens, escalader ladite maison et en

rompre les vitres nuitamment, de ce qu'ils luy empeschent par leur authorité l'exercice et fonction de sa charge, non seulement dans la paroisse de Bourgvilain mais encore dans celles qui en sont voisines, et font pour ce mille cruautés aux habitants, comme de les battre et

                1.                Ibid. B. 1289, 38.

2                Archives de Saône-et-Loire. B. 1294, 54 et 55

3                Ibid. Fonds des notaires, Inventaire Rameau, n0 3904.

maltraiter, prendre leurs bestiaux sans sujet ny raison et les retenir jusques à ce qu'ils ayent payé des sommes considérables, sans aucune formalité de justice… Dernièrement encore, Louis Trichard, dit La Montagne, leur valet, contre lequel il y a décret de prise de corps pour raison de l'assassinat de Léchere, vint par ordre de ses maîtres, armé d'un fusil avec bayonette, avec deux autres affidés armés de bâtons ferrés, tout fouiller et perquisitionner dans sa maison pendant les vêpres.

“ Le suppliant adjoutera que dèz longtemps ledit M. de Corcelles père, sa femme, fils et domestiques usent de pareilles violences tant à l'esgard du suppliant, qu'autres habitants dudit Bourgvilain, en entrant, comme chez le suppliant par force et violence et avec effraction dans les maisons dont ils emportent les meubles dans leur chasteau, les battent, exigent d'eux des charrois considérables dans les saisons les plus rigoureuses, font périr les bleds et les vins par nombre de chiens et de personnes à la chasse, font faire les tailles, charges et décharges qu'il leur plaist et autres impositions et concussions que les tesmoins expliqueront pourquoy le suppliant recourt à vous (I). ”

A

u mois d'août 1706, le sr Rabot, curé de Bourgvilain, et le notaire Guillet prirent, paraît-il, leur revanche sur la personne d'un habitant du lieu, Claude Reboux, pauvre manœuvrier recueilli, nourri et entretenu an château de Corcelles par la dame du lieu. Chargé par cette dame, dit-il, dans une plainte en justice, de porter une lettre à Mâcon pour la faire parvenir, par la poste, à son mari alors à Lyon, il en revenait fort fatigué et s'était assis sur le bord d'un bois. Le sieur Rabot et le sieur Guillet venant à passer lui demandèrent d'où il venait. Sur sa réponse, le notaire lui dit en s'en allant :  “ Va-t-en dire à la Fleutelotte (nom d'un conseiller au parlement, parent de la dame de Corcelles) que c'est une p... une bougresse et une carogne, que je lui mande... ” Reboud ayant répondu en faisant l'éloge de Mme de Corcelles, le notaire se fâcha plus fort et le menaça de ses pistolets, puis continua sa route. Arrivé au-dessous du bois de Frety, Rebout les trouva à son tour arrêtés. A sa vue ils descendirent de cheval et le curé le saisissant au collet le renversa par terre, lui donna quantité de coups de pied et de poing et pendant qu'il le tenait sous lui le notaire vint à son tour l'accablant de coups de canne, lui mettant même le pistolet sous le nez, avec menaces, s'il continuait à crier alarme,. Dégagé enfin par des personnes accourues à ses cris il était à peine relevé et le curé remonté à cheval que ce dernier en. descendit de nouveau et s’apprêtait à recommencer ses violences s'il n'en avait été empêché par une femme qui intervint en sa faveur. Reboud conclut en demandant réparations de ces blessures et contusions qui l'ont réduit à l'inaction pendant plusieurs semaines (2).

T

outes ces procédures sont incomplètes, nous ne connaissons point l'issue de ces débats. Nous voyons néanmoins, le 25 novembre 1707, une transaction passée entre les seigneurs de Corcelles, père et fils, et le notaire Guillet. Par ce traité ce dernier leur cède le pré Pattier, à Bourgvilain, contenant la place à “ sept charrées de foin ”, promet de leur payer les intérêts d'une somme de 1.200 livres et leur constitue en outre une rente de 281 livres (3)  Philibert-­Hubert mourut vers 1715.

A

ndré-Emmanuel de l'Aube, héritier de la terre de Corcelles, était en 1703, à 19 ans, enseigne dans le régiment de Picardie. Le 28 juin 1711, à l'âge de 25 ans, il épousa, au château de Ville, demoiselle Anne-Gabrielle de Menon, fille de messire Joseph Menon de

Darmassière, chevalier, seigneur de Ville et d'Armassière, et de dame Claudine de la Poype

I.                Archives de Saône-et-Loire. B. 1296, 24.

2                Archives de Saône-et-Loire. B. 1296, 23.

3                Ibid. Inventaire Rameau, n° 3845.

 (1). Le 7 février 1714, il vend, de concert avec son père Philibert-Hubert de l'Aube, la terre de Chavannes à Claude de Brosse, seigneur d'Escrots, pour 20.000 livres. Il afferme, en 1715, son domaine de Corcelles avec ses dépendances, y compris jardin, volière, verger, glandage des bois, avec un logement dans le château, étables et basse-cour, moyennant le prix annuel de 420 livres et autres conditions stipulées. Il se réservait le surplus du château, son terrier et rentes nobles, ainsi que ses autres domaines dépendant dudit Corcelles (2). Au mois de mars 1716 demeurant alors à Bron, en Lyonnais, il fait un prêt de 4.000 livres à Léonard-François de Chevrier Saint-Mauris, commandeur des Échelles, et à Claude-François de Chevrier de Saint-Mauris, comte du Thil, seigneur de Vauxrenard, Emeringes, etc. (3).

M

alade d'une fluxion de poitrine, en juillet 1718, il donne pouvoir à un procureur pour se présenter en son nom à la Chambre des Comptes de Dijon, y faire la foi et hommage au roi, à cause de sa baronnie, et remettre l'aveu et dénombrement de ladite terre. Ledit aveu et dénombrement ne furent point reçus par le procureur du roi qui les fit renvoyer à la Chambre des Domaines pour y être blâmés. Il y eut alors saisie féodale de la terre dont la main-levée ne fut accordée au sieur de Corcelles que le 12 juin 1728. Le dénombrement fut reçu le 6 avril 1729 (4)

A

ndré de l'Aube était aux États du Mâconnais en 1727 et 1733. Un acte de 1739. le qualifie seigneur haut justicier de Bron et de Saint-Trivier, en Dauphiné, et ancien capitaine au régiment de Picardie.

I

l est mort en 1754, dans son château de Bron, où un inventaire eut lieu le 14 septembre de la même année. Il avait eu, vers 1750, un long procès avec la communauté des habitants de Montval, au sujet d'un bois dont ils reven­diquaient réciproquement la propriété. Un titre de 1771 nous apprend que les frais nécessités par ce procès, tant au bailliage de Mâcon qu'au Parlement de Paris, montaient à 2.185 livres, pour les seuls habitants de Montval (5).

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ar son testament daté du 22 mars 1753, il institue pour héritières univer­selles dame Marie de l'Aube, sa fille cadette, veuve de Jean-Henri de l'Aube et Jeanne-Antoinette de l'Aube, leur fille; lègue à messire Antoine-Joseph de l'Aube, son frère (6), chevalier de justice de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, un appartement meublé, à son choix, dans une de ses habitations ; à sa femme, Anne-Gabrielle de Menon, la jouissance, sa vie durant, de tous ses biens, même la propriété de tous ses meubles, linges, vaisselle, de son argent, et de ses chevaux et carrosses, mais à la charge d'entretenir les bâtiments de l'hérédité en bon état et de payer à son petit-fils, André-Emmanuel de l'Aube, à partir de l'âge de 18 ans, une pension de 500 livres sur cette jouissance et aussi sous la condition qu'elle ne passerait pas à de secondes noces (7).

Gabrielle de l'Aube, leur fille aînée, épousa M. de Révillat, seigneur de Colonne. Déjà veuve en 1754, elle recevait de sa mère la terre de Bron. Marie de l'Aube, fille cadette, mariée le 18 novembre 1739, à Jean-Henri de l'Aube, chevalier, seigneur, comte de Saint-Jean, son cousin et fils de défunt André de l'Aube et de Claudine des François, reçut une pension de 100 livres lors de son contrat de mariage.

1              Ibid. B. 1375

2              Ibid. Fonds des notaires, Inventaire Rameau, n° 6452.

3              Ibid. Fonds des notaires, Inventaire Rameau, n° 455.

4              Archives de la Côte-d'Or. B. 10949.

5              Archives de Saône-et-Loire. C. 300.

6              Cet Antoine-Joseph de l'Aube reçu chevalier de Malte, le 9 juillet 1700, à l'âge de treize ans, devint commandeur de Fortebelle.   Ce fut un des plus influents personnages de l'ordre chargé d'en établir les règlements intérieurs il devint aussi l'historiographe de sa famille.

7              Archives de Saône-et-Loire. B. 1379.

J

ean-Henri de l'Aube mourut à Cluny en 1747, âgé de.30 ans, laissant de sa veuve un fils, né en 1740, André-Emmanuel II de l'Aube, et une fille, Jeanne-Antoinette, née en 1744 (1).

A

ndré-Emmanuel Il mourut célibataire le 24 septembre 1768, à peine âgé de 28 ans, avant sa mère, avant par conséquent que se fut ouverte pour lui la substitution. Marie de l'Aube, veuve du comte de Saint-Jean, devint ainsi baronne de Corcelles et dame de Saint-Denis de Bron. Elle testa le 3 mai 1773 et mourut en 1780. Après elle les terres de Corcelles et de Bron passèrent, par la substitution disposée au testament de son père, à Jeanne-Antoinette de l'Aube, sa fille, mariée le 1er juin 1765, au château de Bron, à Louis de Leusse, d'une vieille maison dauphinoise.

Louis de Leusse, né le 9 décembre 1737, était fils d'autre Louis de Leusse, chevalier, seigneur des Côtes-d'Arey, conseiller au Parlement de Grenoble, et de dame Catherine de Gallien de Chabons. La fortune de sa famille, dont il devait hériter, passait pour considérable à cette époque. Autour de Vienne devait lui revenir les châteaux et les terres de Colombier et des Côtes d'Arey, la Maison-Rouge sur Ampuis, enfin le château et la terre de Meyzieu. La dot de Jeanne-Antoinette fut assez mince, 30.000 livres en argent, mais trois ans après tous les biens de la famille de l'Aube (soit environ 700.000 livres) allaient venir reposer sur sa tête à la mort de son frère André-Emmanuel. On recon­struisit alors le château de Meyzieu qui était entièrement achevé en 1770 (2); et M. de Leusse, obligé de gérer une fortune territoriale importante, renonça à sa charge de conseiller au Parlement de Grenoble dont il avait été pourvu en 1758.

Présenté au roi Louis XV, à Paris, en 1767, Louis de Leusse obtint alors le titre de marquis qui lui fut donné dans les actes offi­ciels et entre autres par les commissaires enquêteurs de la noblesse en 1788.

A

 la Révolution il eut ses châteaux de Meyzieux et des Côtes-d'Arey pillés et saccagés. Celui de Meyzieux était envahi depuis une demi-heure environ (29 juillet 1789) par une bande de brigands recrutée dans les villages voisins, occupée à piller, briser les meubles et à préparer l'incendie lorsqu'un détachement de quarante dragons du régiment de Monsieur les surprit, en tua trois et en blessa deux mortellement.

C

'était André-Emmanuel-Émile de Leusse, fils aîné du marquis, qui était à la tête de ces cavaliers.       

           

L

e 5 août suivant, ce fut le tour de celui des Côtes d'Arey qui eut son portail d'entrée, en fer, renversé et enlevé, ses portes et fenêtres arrachées, à peu près partout, et ses terriers volés.

M

. de Leusse habitait Vienne en 1793 lorsqu'il fut inscrit sur une liste de suspects, arrêté et incarcéré en cette ville avec trois de ses filles le 19 du mois de mai, puis deux jours après transféré à Grenoble comme un prisonnier impor­tant, d'où il ne fut relâché que le 8 août en fournissant caution. Les scellés avaient été apposés sur tous ses papiers et le séquestre mis sur ses biens.

Le 24 décembre 1793, la commission temporaire de surveillance républicaine ordonne de l'arrêter à nouveau, ainsi que sa femme, comme “ prévenus de complicité avec les rebelles de Lyon ” et de les conduire en cette ville.

A

u moment de l'arrestation, la marquise parvint à s'évader en utilisant la porte dissimulée d'un placard où elle avait demandé à prendre du linge.Transféré à Lyon, dans les prisons de Roanne, le prétexte à condamnation fut la découverte, dans un portefeuille trouvé, dit-on, sur lui, d'une circulaire de M. de Buffevent

1              Ibid. B. 1376, fol. 544.

2              La plupart de ces détails et de ceux qui vont suivre sont extraits de la Vie du marquis de Leusse, conseiller au Parlement de Grenoble,. par son arrière-petit-fils le baron de Leusse, de Lyon. Grenoble, 1907.

par laquelle il engageait les gentilshommes du Dauphiné à aller rejoindre les Princes émigrés (cette circulaire était sans adresse). Il avait avec lui quatre volumes de piété qui furent saisis et qui fit dire à ses accusateurs en les adressant aux juges “ ils vous feront connaître la moralité de l'individu ”.

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e marquis de Leusse était atteint d'une maladie qui, depuis quatorze ans, lui avait enlevé l'usage de ses jambes, il n'était donc guère à même d'aller rejoindre l'armée des Princes, et M. de Buffevent le connaissait personnellement, aussi son défenseur fit-il observer, mais inutilement, que ni la circulaire, ni aucune des pièces que renfermait ce portefeuille ne prouvaient qu'il fût à lui. M. de Leusse n'en fut pas moins condamné à mort et exécuté sur la place de la Liberté (place des Terreaux), le 14 janvier 1794. Il mourut sans faiblesse. Au moment de l'exécution, toujours maître de lui-même, il dit à son bourreau qu'il lui pardonnait et qu'il lui donnait sa montre. Quelques semaines après, deux de ses juges, Fernex et Lafay, étaient massacrés par le peuple et leurs cadavres jetés dans le Rhône (1).

A

u mois de décembre 1793, Mme de Leusse s'était réfugiée à la Croix-Rousse, où elle résida un an, dissimulant son identité sous le nom de veuve Pèche, et mettant tout en œuvre, mais hélas sans succès, pour essayer de sauver son mari. Ce n'est que deux ans après sa mort (17 novembre 1795) qu'elle obtenait des administrateurs du district de Lyon un arrêté déclarant “ que son mari avait été mal à propos prévenu d'émigration et que ses biens avaient été séquestrés sans raison puisqu'il n'avait été inscrit sur la liste des émigrés que trente-deux jours après sa mort, qu'en conséquence son nom devait être rayé de la liste et ses séquestres levés ”.

Pour les biens de Bourgvilain, le séquestre apposé le 22 décembre 1793 avait été levé le 7 juillet 1795 à la requête du notaire Étienne Philibert, fondé de pouvoir de la dame de Leusse.

Revenue chez elle, en son château de Bron, elle y vécut jusqu'à sa mort arrivée en 1831. Avec elle s'éteignit la famille de l'Aube.

C

e fut au commencement de l'année 1793, époque où les capitaux étaient rares, que pour se créer des ressources elle vendit le domaine de Monteval, au prix de 40.000 livres, puis la baronnie de Corcelles moyennant 150.000. Les acquéreurs furent les frères Martinot, dont l'un était maire de Bourgvilain et fermier général de tous les biens des de l'Aube, pour le prix de 4.800 livres. Cette famille Martinot s'est maintenue jusqu'à aujourd'hui dans la propriété du château et domaine de Corcelles, sauf une moitié que possède M. Guichard.

De Jeanne-Antoinette de l'Aube le marquis de Leusse laissait trois fils et quatre filles

André-Emmanuel, l'aîné, commandait, en 1789, une compagnie au régiment de Monsieur, il émigra quelque temps, puis revint en France où il épousa une demoiselle de Fleurigny, dont il eut deux filles; François-Marie, le cadet, se fit recevoir dans l'ordre de Malte, en 1769, puis relever de ses vœux à la Révolution, après quoi il s'allia à  Mlle Sibaud de Beausemblant.

A

uguste-Claude-Gabriel, autre fils, se fit recevoir dans le même ordre, en 1773, puis relever de ses vœux après la Révolution. Devenu chef de famille par le décès de son père et de ses frères, il épousa Laurence de Colombier, dont il eut trois fils : Louis, André-Hippolyte et Léon;

Marie-Adélaïde, l'aînée des quatre filles, épousa M. de Syon; Sophie fut mariée, en 179 I, à M. Dupuit de Macconex; Hélène...Élise...

1          Mme de Leusse avait un frère, André-Emmanuel de L’Aube, mort â vingt-huit ans, laissant un enfant naturel, appelé Monteval, du nom d'une propriété de la famille. En 1793, Monteval était devenu un ardent révolutionnaire; profitant d'un décret de la Convention qui attribuait aux enfants naturels partie des biens de leurs père et mère il émit des prétentions fort exagérées qui le condui­sirent à un procès avec les héritiers de L’Aube. Pour satisfaire plus aisément ses convoitises, Monteval profitant des circonstances, ne trouva rien de mieux que de dénoncer, à diverses reprises, au pouvoir révolutionnaire, les membres de la famille de Leusse afin d'arriver, par leur emprisonnement, à paralyser toute action de leur part. Cette famille est persuadée que c'est l'acharnement des dénonciations de Monteval, aidé de l'influence de son parti, qui réussit sous ce régime de terreur à faire monter le marquis de Leusse sur l'échafaud révolutionnaire, échafaud qui était probablement réservé à son épouse si elle n'avait réussi par une adroite évasion a s’échapper des mains de ses bourreaux.

et mère il émit des prétentions fort exagérées qui le condui­sirent à un procès avec les héritiers de L’Aube. Pour satisfaire plus aisément ses convoitises, Monteval profitant des circonstances, ne trouva rien de mieux que de dénoncer, à diverses reprises, au pouvoir révolutionnaire, les membres de la famille de Leusse afin d'arriver, par leur emprisonnement, à paralyser toute action de leur part. Cette famille est persuadée que c'est l'acharnement des dénonciations de Monteval, aidé de l'influence de son parti, qui réussit sous ce régime de terreur à faire monter le marquis de Leusse sur l'échafaud révolutionnaire, échafaud qui était probablement réservé à son épouse si elle n'avait réussi par une adroite évasion a s’échapper des mains de ses bourreaux.